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Tout cela a commencé par un baiser

Un baiser, irréel, un baiser magnifique, un baiser qui ne cadrait pas avec le lieu.

La planète ressemblait à un énorme bourbier. La boue montait jusqu'aux genoux, des arbres aux racines apparentes arboraient des branches dénudées qui ne protégeaient en rien de la pluie qui tombait en continu.

Je m'y étais posé en catastrophe suite à une avarie de mon vaisseau. j'étais encore secoué par l'atterrissage brutal, je venais de mettre en route la balise de détresse quand je les ai vus.

Un homme et une femme qui s'embrassaient.

Ce n'était pas une illusion, ou une impression floue. Je les ai vus nettement, et longtemps. Sans prendre de précaution, je me suis approché d'eux. et c'est seulement lorsque je fus presque à leur contact qu'ils disparurent

Il m’a fallu un peu de temps pour reprendre mes esprits, et me rendre compte des risques inconsidérés que je venais de prendre sans raison valable. Je suis retourné à mon vaisseau. Il me fallait faire un inventaire du matériel et des vivres disponibles. Quelqu’un allait forcément passer à portée de ma balise.  Il me fallait être patient.

    L’image de cet homme et de cette femme me hanta pendant toute la soirée. Je m’endormis dans le cockpit, en rêvant de ce baiser. Je me réveillai en sursaut, manquant de peu de me cogner la tête. La nuit sur cette planète avait des allures de crépuscule permanent. Une lumière diffuse et floue semblait émaner de la brume. C’est grâce à cette lumière que j’ai pu le voir. Il était assis, en face de moi, calme et patient. Il avait un visage dur et carré, mais son expression, empreinte de tristesse et de douceur, ne carrait pas avec le personnage militaire. Car militaire, il l’était, son uniforme le prouvait.

 

_ Qui êtes vous ? Lui ai-je lancé.

 

  Il n’a pas répondu. Il s’est contenté de passer sa main dans ses cheveux. C’est à ses cheveux que je l’ai reconnu. C’était l’homme du baiser qui se tenait devant moi.

 

_ Qu’est-ce que vous voulez ?

 

  Toujours pas de réponse. Il s’est levé et est sorti du vaisseau. Il n’a pas ouvert le sas, il est simplement passé à travers la cloison. Je me suis levé, ai attrapé mon paquetage de survie, mon relais balise, et je suis sorti. Dehors, le froid s’était mêlé à la pluie, mais l’homme s’en fichait. Il m’attendait, marchant sur l’eau. La pluie passait à travers lui. Il s’est mis à marcher, à un rythme régulier, assez lent pour que je puisse le suivre en pataugeant. Nous avons traversé une forêt. Dans la lumière faible, j’avais du mal à distinguer les arbres des animaux potentiellement dangereux. Suivre cet individu me semblait à la fois important et de la plus haute imprudence.

 

La forêt a débouché sur une clairière, toujours inondée. D’abord au niveau des genoux, l’eau m’arrivais maintenant à la taille et suivre l’individu était de plus en plus ardu. Pourtant il continuait, toujours assez lentement pour que je le suive. Et puis il s’arrêta. Ce fut à ce moment que je me rendis compte qu’il était trop tard. L’eau m’arrivait au niveau des côtes et le courant, presque imperceptible au début, avait forci au fur et à mesure de mon avancée, et lorsque l’homme s’est arrêté, moi je n’ai pas pu, et j’ai été entraîné, vers ce qui s’est révélé être une chute d’eau.

Je ne savais pas où j’étais, mais en fait je ne me posais pas la question ; Je flottais dans la pénombre, tout simplement.

Et soudain mes deux amoureux se trouvèrent dans mon champ de vision. Ils se tenaient la main

_ Je m’appelle Craig, me dit l’homme

_ Et moi Sandova, répondit la femme.

_ Je vous dois des excuse, poursuivit Craig, pour ce mauvais tour que je viens de vous jouer. Mais vous en comprendrez bientôt la nécessité. Comme vous pouvez le voir, nous étions soldats, et ennemis. J’étais un membre des commandos d’élite de l’empire

 _ Et moi, une éclaireuse de l’armée du conglomérat, dit Sandova.

_ Nous nous sommes écrasés sur cette planète quelques heures l’un après l’autre. En ce qui me concerne, je revenais d’une mission, seul survivant de mon régiment.

_ Moi, je revenais d’une mission de reconnaissance, et je m’étais éloigné de mon itinéraire initial pour échapper à une escouade qui me poursuivait.

_ Excusez-moi, dis-je. J’ai entendu parler des troupes lors de la guerre. Vous étiez conditionnés tous les deux. Comment se fait il que vous ne vous soyez pas battus ?

_ Il y a eu un facteur décisif, dit Craig

_ Lequel ?

_ Réveillez vous, me dit Sandova.

Je me suis retrouvé sur les bords d’une rivière, accroché au rivage par des branches qui s’étaient prises dans mes vêtements. J’avais eu la chance de ne pas me noyer, mais j’étais perdu, et la pluie ne s’était pas arrêtée de tomber.

 

 Je souffrais de quelques contusions et entorses, mais je n’avais rien de grave. Néanmoins, j’avais perdu mon arme dans ma chute. Heureusement, ma balise était restée attachée à ma ceinture. Il me fallut nager pour me rendre sur le rivage. Je me suis allongé quelques instants sur le sol détrempé et spongieux pour me reposer quelques minutes.

A force de volonté, je parvins à me lever. J’avais froid. Il pleuvait toujours mais la lumière équivalait à celle d’une journée pluvieuse à midi. Je me trouvais en bordure d’une forêt décharnée. De curieux animaux se déplaçaient en volant ou en s’agrippant aux arbres. Je n’avais pas la moindre idée de l’endroit où je me trouvais, mais il fallait que je bouge si je ne voulais pas mourir de froid. J’ai avancé, d’un pas mal assuré, droit devant moi.

Au bout d’une minute, j’ai vu Sandova. Elle me montrait une direction. Au milieu de cette curieuse forêt qui mêlait le brun grisâtre au vert, le tout dans une atmosphère froide et humide, j’ai décidé de suivre cette direction. Je grelottais, serrant mes bras contre ma poitrine. Au bout d’une heure, j’ai compris où Sandova m’avait menée. Il s’agissait de l’épave d’un vaisseau. Elle était vieille mais le sceau du conglomérat était encore visible sur son coté. Cette épave avait visiblement été aménagée en campement de fortune. Je suis entré, oubliant toute prudence, trop heureux de trouver enfin un abri.

 L’intérieur était sec, et heureusement, aucun animal n’avait eu l’idée de s’installer en cet endroit. J’y ai trouvé deux couchettes, vieilles mais en bon état. Ce fut un vrai plaisir de me dévêtir et de me coucher au sec. Je m’endormis presque immédiatement.

 

_ J’espère que notre campement vous convient, me dit craig.

Encore une fois, je me suis retrouvé comme dans le noir, avec comme seul élément lumineux, les deux amoureux qui se tenaient en face de moi, la main dans la main.

_ Que me voulez vous, à la fin ?

_ Nous avons besoin de votre aide, me dit Craig

_ Mais pour que vous compreniez, me dit Sandova nous devons vous raconter ce qui s’est passé.

_ Et que s’est il passé ? Ai-je demandé, résigné

_ Nous avions épuisé nos rations avant de nous poser sur cette planète, dit Craig

_ Et pour Lui comme pour moi, ces rations contenaient la drogue censée maintenir notre conditionnement à la guerre. Normalement nous aurions du nous battre jusqu’à la mort de l’un d’entre nous, mais ça ne s’est pas passé comme ça.

_ Pour être plus précis, me dit Craig, Nous n’étions pas encore au courant de la présence l’un de l’autre lorsque nous nous sommes écrasé. Il nous a fallu nous organiser, monter chacun son campement, chercher de quoi subsister. Ce ne fut qu’une semaine après, alors que nous commencions à nous poser des questions à propos de notre obéissance, de notre foi en notre commandement, que nous nous sommes trouvés.

_ Ca s’est passé aussi simplement que ça ? Ai-je demandé.

_ Pas tout à fait, dit Sandova. Il faut savoir qu’en plus de brider notre esprit, la drogue bloquait notre instinct, ainsi que nos… besoins charnels. Quand nous avons pris conscience de la présence l’un de l’autre, en nous deux forces se sont mis à combattre. Le devoir et le désir. Et le premier était faiblissant.

_ Il nous a fallu une semaine pour nous rapprocher, et encore, nous avions gardé nos armes, dit Craig. Je nous revois encore, face à face, l’arme à la main, avec chacun l’esprit sens dessus dessous, la discipline commandant de tirer, et l’instinct qui luttait pour mettre cette doctrine en pièce. Nous sommes resté un long moment à nous tenir en joue, inconscients de la pluie, fasciné par l’autre. Je crois avoir lâché mon fusil en premier. Elle m’a suivi, et nous nous sommes jeté l’un sur l’autre, sans réfléchir.

 

                Je me suis réveillé. Le dialogue que je venais d’avoir flottait dans ma tête, comme flou. J’avais une meilleure idée de l’histoire de mes deux amoureux. Reposé, encore endolori mais surtout affamé, j’ai essayé de trouver de quoi me nourrir dans cet endroit. Peine perdue, il n’y avait aucune réserve. J’ai alors essayé de consulter le journal de bord du vaisseau. Il contenait des informations très précieuses sur la planète, la configuration des lieux, les pièges naturels à éviter, et surtout la liste des animaux et fruits comestibles. Je me suis rapidement vêtu. Mes vêtements n’étaient pas encore tout à fait secs, mais ils étaient mettables. Armé de mon couteau de survie, je me suis rapidement mis en chasse, et je suis revenu deux heures après chargés de fruits. J’avais aussi pris de quoi me fabriquer des outils rudimentaires. Je passais la journée à m’organiser en vue d’assurer ma survie en attendant les secours.

Je me couchai le soir, fourbu, après avoir sécurisé l’abri contre les bêtes de la nuit.

                Sandova et Craig m’attendaient.

_ Merci de m’avoir laissé ces indications, ai-je dit

_ Nous avons toujours besoin de vous, coupa Craig.

_ Pourquoi ?

_ Pour trouver le vaisseau de Craig

_ Qu’y a-t-il dans ce vaisseau ?

_ …Pour en revenir à ce que nous vous avons dit hier, me dit Craig, Nous avions décidé, de façon instinctive, de cesser le combat, mais ce ne fut qu’une fois nos besoins réciproques assouvis que nous avons commencé à ressentir un attachement affectif.

_ Pourquoi changez vous de sujet

_ Nous avons besoin de vous faire comprendre, me dit Sandova, que  ce que nous avons vécu sur cette planète était pour nous quelque chose de nouveau. Nous avions été conditionné pour ne rien ressentir ; l’amour, l’amitié, l’attachement, la joie même, nous étaient inconnus. Seul comptait l’obéissance. Nous avons du tout apprendre, comme des enfants. Nous n’avons pas grand-chose à dire sur nous, mais nous voudrions au moins transmettre ça.

_ Vous savez, ai-je dit ; J’ai moi-même participé à la guerre, du coté des insurgés contre l’empire. Lorsque nous avons pu partager nos forces avec celles des insoumis contre le conglomérat, les deux forces se sont écroulées comme des châteaux de carte, et un accord de paix a enfin pu être signé. Actuellement, un gouvernement est en train d’unifier les planètes. Ca prend du temps, mais tout est en train de se reconstruire. Tout ça pour vous dire que la guerre est finie.

_ Trop tard pour nous, me dit Craig. Nous sommes restés un an sur cette planète, à survivre et à nous aimer. Nous avions même réussi à être heureux. Mais tout cela nous a été retiré.

_ Notre balise, continua Sandova. Elle nous a permis d’être retrouvé. Deux droïdes, un de l’empire et un autre du conglomérat, nous ont retrouvé. Je les revois, le premier ressemblait à une pyramide métallique, haut comme une tête. Le second, aussi grand, était cubique. Tous les deux flottaient dans l’air. J’étais étonnée de voir qu’ils ne se remarquaient pas l’un l’autre. Ils ont évalué la situation et nous ont jugés tous deux coupables de trahison. En tant que soldats, nous avons l’un comme l’autre une puce tueuse implantée dans notre crâne, pour nous permettre de nous suicider en cas de capture par l’ennemi. Connaissant le code de nos puces, les droïdes nous ont condamné à mort.

_ Ca s’est terminé comme ça, aussi bêtement ?

_ Pas exactement, dit Craig. Nous avions droit à une dernière volonté. Nous avons demandé une heure pour nous préparer, ce qui nous a été accordé. Nous avons mis une demi-heure pour rejoindre mon vaisseau, ce qui a été dur pour Sandova, qui était faible, mais nous y sommes arrivé.

_ Qu’y a-t-il dans ce vaisseau ?

_ Une capsule d’hibernat…

BIIIIIIIIIIIP ! BIIIIIIIIP !

 

Je me suis réveillé en sursaut. Il y avait un intrus dans le vaisseau-cabane. Un droïde m’avait retrouvé. Il était grand et sphérique comme un ballon de basket, flottait dans l’air à la hauteur de ma tête et émettait ces bip strident pour me réveiller.

_ Identification du sujet, lieutenant Servis Trailer, en mission de reconnaissance. Nous vous avons retrouvé. Veuillez ne pas bouger pendant le scanner primaire…. Scanner effectué, premier résultat d’analyse, correct. L’équipe de secour est en train de se préparer. Arrivée prévue dans une heure.

_ Bonjour, machin, ai-je dit.

_ mon code d’identification est IP-1133. Dit le droïde avec un ton courroucé.

_ Désolé, IP, je ne voulais pas te vexer.

_ Excuses acceptées. Désirez vous vous reposer davantage en attendant la navette de secours ?

_ Non,j’ai quelque chose à faire. Peux tu effectuer une recherche pour moi ?

_ Je suis un droïde de recherche, ça rentre dans mes attributions, néanmoins, étant donné que je vous ai trouvé, je ne vois pas la pertinence…

_ Peux tu localiser un vaisseau, à environ une demi-heure de marche d’ici, et dont l’ordinateur central serait encore en fonction, même en mode ralenti ? 

_ Oui… Extrapolation de la vitesse d’un marcheur en cours… scan… Premiers résultats. Un vaisseau modèle Cougar, armée de l’empire.

_ Indique moi la direction, et on y va ensemble.

_ Définissez la raison.

_ Il doit y avoir des survivants dedans !

 

                Ils étaient là, tous les deux, enlacés, morts mais intacts, mes deux amoureux sous la pluie, à coté du caisson d’hibernation, qui fonctionnait encore. Je ne sais pas comment ça se fait que les corps soient restés encore intacts. Peut être une particularité de l’atmosphère de cette planète, qui sait. Je n’ai pu m’empêcher de verser une larme en les voyant. Les membres de l’équipe de récupération ont été très sympathiques. Ils m’ont aidé à leur offrir une sépulture.  Nous nous sommes tous recueillis un instant avant d’embarquer le caisson, et de repartir.

 

Il y avait deux survivants. Deux petites filles âgées d’un mois et demi au moment de leur cryogénisation. Elles n’avaient que peu de séquelles et à présent, elles se portent à merveille. Nous les avons baptisées Cynthia et Claire. Quant à moi, j’ai demandé une affectation au sol. Ma demande d’adoption des deux filles est en bonne voie d’être acceptée. Leur chambre est déjà prête.

 

Depuis que je suis rentré, il m’arrive de voir Craig et Sandova dans mes rêves. Je me retrouve sur cette planète, où curieusement, la pluie a cessé. Ils se tiennent la main et regardent le ciel, en direction de l’étoile qui éclaire maintenant leurs petites filles.  

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