L’image de cet homme et de cette femme me hanta pendant toute la soirée. Je m’endormis dans le cockpit, en rêvant de ce baiser. Je me réveillai en sursaut, manquant de peu de me cogner la tête. La nuit sur cette planète avait des allures de crépuscule permanent. Une lumière diffuse et floue semblait émaner de la brume. C’est grâce à cette lumière que j’ai pu le voir. Il était assis, en face de moi, calme et patient. Il avait un visage dur et carré, mais son expression, empreinte de tristesse et de douceur, ne carrait pas avec le personnage militaire. Car militaire, il l’était, son uniforme le prouvait.
_ Qui êtes vous ? Lui ai-je lancé.
Il n’a pas répondu. Il s’est contenté de passer sa main dans ses cheveux. C’est à ses cheveux que je l’ai reconnu. C’était l’homme du baiser qui se tenait devant moi.
_ Qu’est-ce que vous voulez ?
Toujours pas de réponse. Il s’est levé et est sorti du vaisseau. Il n’a pas ouvert le sas, il est simplement passé à travers la cloison. Je me suis levé, ai attrapé mon paquetage de survie, mon relais balise, et je suis sorti. Dehors, le froid s’était mêlé à la pluie, mais l’homme s’en fichait. Il m’attendait, marchant sur l’eau. La pluie passait à travers lui. Il s’est mis à marcher, à un rythme régulier, assez lent pour que je puisse le suivre en pataugeant. Nous avons traversé une forêt. Dans la lumière faible, j’avais du mal à distinguer les arbres des animaux potentiellement dangereux. Suivre cet individu me semblait à la fois important et de la plus haute imprudence.
La forêt a débouché sur une clairière, toujours inondée. D’abord au niveau des genoux, l’eau m’arrivais maintenant à la taille et suivre l’individu était de plus en plus ardu. Pourtant il continuait, toujours assez lentement pour que je le suive. Et puis il s’arrêta. Ce fut à ce moment que je me rendis compte qu’il était trop tard. L’eau m’arrivait au niveau des côtes et le courant, presque imperceptible au début, avait forci au fur et à mesure de mon avancée, et lorsque l’homme s’est arrêté, moi je n’ai pas pu, et j’ai été entraîné, vers ce qui s’est révélé être une chute d’eau.